Quand les différents parcours créent des artisans d'art uniques

UNE RECONNAISSANCE JURIDIQUE

L'artisanat d'art bénéficie d'une reconnaissance professionnelle qui ne correspond ni à un statut juridique à part entière ni à une activité proprement définie. Inscrit à la Chambre des Métiers et de l'Artisanat de son département, l'artisan d'art, pour se prévaloir de cette qualité, doit remplir deux conditions nécessaires. Tout d'abord, il faut exercer un métier répertorié dans la liste des 281 activités mentionnées par l'arrêté du 24 décembre 2015. Il est aussi nécessaire de justifier d'une expérience de trois ans dans ce métier ou être titulaire d'un diplôme CAP, BEP ou équivalent.

Les métiers d'art bénéficient donc, en France, d'une attention spécifique des pouvoirs publics désireux d'être en phase avec l'évolution de ce secteur et de ses réalités économiques.

La loi de 2014 donne également une définition légale des métiers d'art :"relèvent des métiers d'art, […] les personnes physiques ainsi que les dirigeants sociaux des personnes morales qui exercent, à titre principal ou secondaire, une activité indépendante de production, de création, de transformation ou de reconstitution, de réparation et de restauration du patrimoine, caractérisée par la maîtrise de gestes et de techniques en vue du travail de la matière et nécessitant un apport artistique".

Mais derrière cette définition juridique très large se cache des individus, passionnés, maîtrisant des techniques précises. Les trajectoires de vies différent et soulignent encore davantage la spécificité de ces métiers. Créateurs-trices, artisans héritiers, artiste passionné par la matière sont autant de manière de qualifier les artisans d'art et montre un champs en tension autour d'enjeux multiples. Débusquer les chemins individuels nous permet de comprendre, plus finement, la pratique d'un métier d'art.

L'ARTISANAT D'ART, UNE HISTOIRE DE RECONVERSION

Selon un recensement de 2012, 63% des artisans d'art sont des reconvertis.

Les premiers rencontrent la matière au détour d’un parcours artistique,. Le cuir, le métal, la céramique, ces artisans d’arts allient leur approche artistique aux matériaux qu’ils rencontrent. Evy Cohen, passionnée de photographie a suivi une formation aux Beaux-Arts. Le verre est pour elle une évidence pour capter la lumière de ses images. Elle se forme ainsi auprès d'artistes verriers pour maîtriser la technique exigeante et délicate du travail sur verre et créer des œuvres exceptionnelles où la brillance du verre vient donner une profondeur à l'image.

Des reconversions, il y en a des surprenantes. Pascal Oudet a déjà mené plusieurs vies. D'abord ingénieur en électronique, il devient tourneur d'Art sur bois.

L'artisanat d'art est métier qui s'acquiert avec un travail colossal et de l'expérience. Comme il le dit lui-même, depuis 12 ans de reconversion, ça fait seulement 5 ans qu'il est content du résultat.

Un déclic, une envie de s'exprimer de manière tangible, l’artisanat d’art déchaîne des passions nouvelles et devient le fruit de créations uniques. Son parcours unique lui permet de sortir des carcans traditionnels du tournage sur bois et mettre au point une technique qu'il est le seul à maîtriser, consistant à sabler le bois en transparence. Long et minutieux, ce procédé donne à ses objets un effet de dentelle. Exposé dans le monde entier, Pascal Oudet est dorénavant une référence incontournable dans le monde du tournage d'art sur bois.

Des artisans d'élites, héritiers d'un savoir-faire noble et ancestral.

L'artisanat d'art entretient un rapport profond à la matière. Être maître d'art, c'est aussi la découverte mesurée par le biais de trajectoire classique où s'affinent les techniques à force de pratique et d'expérience.

Dalloun ne jure aujourd'hui que par la terre sigillée. Cette technique rare date de l'Antiquité et consiste à recouvrir une poterie avec un engobe particulier. Jalousement gardée secrète, Dalloun a atteint la parfaite maîtrise de cette technique au bout d'un travail de 2 ans. Mais c'est surtout grâce à sa profonde connaissance de la céramique qu'il a pu atteindre cette consécration. Fils de boulanger, il s'est très vite intéressé à la poterie en allant s'installer à La Borne, village de potiers traditionnels pour trouver une formation. Il apprend le grès, expérimente les terres enfumées et le raku et peut se targuer de 38 années de travail en céramique.

L'excellence de sa maîtrise artisanal donne à ses pots une texture envoûtante issue d'un processus allant de la sélection de la terre au détour d'un chemin de forêt à la sensibilité artistique qui prend forme dans la maturité de ses créations.

À la manière des grandes maisons artisanales où le savoir-faire se transmet par l'héritage familial, la maison Vial se targue d'une nouvelle artisane d'art depuis 2014, Pascale Vial. Fille de Daniel Vial et ayant grandi autour des métiers à tisser, la passion est née par l'incorporation de gestes issus de ses parents. L'avenir de la maison Vial est assuré.

Daniel Vial exerce la peinture sur soierie depuis 30 ans. Peintre sur toile à l'origine il décide de se lancer sur de nouveaux support et lance avec sa compagne, la maison Vial. En commençant à travailler pour des maisons de soierie Lyonnaises ou Parisiennes, ils créent dorénavant, en toute indépendance, leurs propres foulards, perpétuant la tradition de la peinture sur soie lyonnaise tout en stimulant leur créativité à l'ère du numérique.  

Des trajectoires de vies singulières ou conventionnelles où l'art se trouve sur le chemin de la matière. 

A la fois artisans, à la fois artistes, les professionnels des métiers de l'art rendent compte avant tout d'une rencontre entre la matière et un regard artistique. Avant tout par la transmission, le savoir-faire s'acquiert à force de travail et passion. Autodidactes ou apprentis, les créations révêlent l'âme de ceux qui les façonnent et dessinent le futur de l'artisanat d'art. 

Héritage familial ou compagnonnage, artiste ou reconversion radicale, les voies pour accéder à l'artisanat d'art sont multiples et variées et sans cesse à réinventer.