La création, corps et âme
Quand l'artisanat rencontre le soin : le parcours atypique de Maëva Gardenat, créatrice de bijoux textiles.
L’artisanat d’art ne résulte pas uniquement d’un savoir-faire technique, il est aussi le fruit de processus créatifs complexes puisant dans l’expérience intime de l’artisan. Nous nous intéressons aujourd’hui au parcours atypique de Maëva Gardenat, créatrice de bijoux textiles et thérapeute, pour qui soin et création sont intrinsèquement liés.
Diplômée d’un Master en esthétique de l’Université Montpelier III - Paul Valéry, Maëva Gardenat a consacré dix ans à la peinture avant de se former en psychothérapie. Lors d’un stage dans une institution psychiatrique, au contact des pensionnaires, elle constate le pouvoir soignant de la création. Cette expérience (dé)formatrice est une révélation. Depuis, Maëva Gardenat a ajouté d’autres cordes à son arc : les bijoux tissés et le massage ayurvédique. Deux activités qui semblent n’avoir rien à faire ensemble, et pourtant !
Pour Maëva Gardenat, le travail de création et le massage relèvent tous les deux d’une performance dans laquelle l’improvisation prédomine. Corps ou objet, il s’agit d’écouter la matière, de se laisser porter par elle pour un résultat à chaque fois unique. Quand la masseuse fait varier les pressions, le rythme et les temps de pause, l’artisan avance à petits pas dans un semi-rêve vers un objet dont elle ne connaît pas encore ni la forme ni l’usage finaux. De l’acte de création naît la possibilité de soigner l’autre tout comme de se soigner soi-même.
« La création est thérapeutique en premier lieu pour moi. C'est par la manipulation esthétique des fils que se maintient le sens des journées qui se suivent. Sans l'acte de créer (qui est quotidien), la sagesse s'étiole, laissant alors apparaître un sentiment d'absurdité aussi intolérable qu'insurmontable. Créer est un remède puissant pour repousser le sortilège de la mélancolie. Il m'est tout à fait impossible de pénétrer l'espace du soin si, au préalable, l'esprit et le corps n'ont pas enduré suffisamment "l'oeuvrage" esthétique. »
Bracelet, broche, boucles d’oreilles, collier, l’objet émerge sous les doigts de Maëva Gardenat au fil de sa rêverie. L’artiste se laisse porter par les motifs qui depuis l’enfance habitent son inconscient tels que les paysages vus du ciel, en particulier les marécages et méandres de rivière. La littérature est également une source d’inspiration importante. Ainsi, dans Collections particulières # fragments littéraires brodés, elle rend hommage aux textes qui l’ont particulièrement bouleversée. Une œuvre de Maëva Gardenat n’est toutefois jamais terminée que quand elle est portée, devenant ainsi un talisman pour le corps comme pour l’âme.
Photos : Matthieu Aubert